Donatien est au volant de sa Mini Cooper. Il se rend à
la salle de musculation Power Zone Gym où l’attend Alex. S’il était à Paris, Il
écouterait RMC, la radio du sport en
direct. On y apprendrait, par la voix de Christian, un auditeur ayant
composé le 32 16, que Jean-Michel Larqué a un petit zizi. Donatien est en
retard à son rendez-vous et se fout pas mal de la taille du pénis de l’ancien capitaine
des Verts devenu consultant sportif. Le GPS indique qu’il faudra tourner à
droite au prochain croisement. À la radio, l’appel de Christian – certainement celui
d’un petit plaisantin, dixit le présentateur – aurait tourné court, laissant
place à des annonces publicitaires. Donatien s’apprête à tourner à droite,
avec, dans les oreilles, à défaut de RMC, la chanson Luang Phor Koon du groupe thaïlandais Carabao. Le feu passe au
rouge : que faire ? En France, avec seulement trois points sur
douze sur son permis de conduire, Donatien aurait choisi de ne pas enfreindre
le code de la route et aurait immobilisé sa voiture au pied du feu de
signalisation. Ici, à Bangkok, il appuie sur la pédale d’accélérateur. Au
carrefour suivant, Donatien, qui a repéré la présence de deux policiers assis à
l’intérieur d’un kiosque, préfère respecter le code de la route, aussi permissif
soit-il en Thaïlande. Il immobilise son véhicule en saluant les deux agents
d’un signe de la tête. Un taxi de couleur rose choisit lui aussi de ne pas
griller le rouge et se range à côté de la Mini Cooper. Au volant, Sek, 56 ans,
originaire de Surin, des faux airs de Dalai Lama. Assis à l’arrière, Ronald, son
client américain, se rend à l’aéroport : « J’adore votre pays,
monsieur le chauffeur de taxi ! » Sek, qui aurait préféré conduire
l’Américain dans un salon de massage et ainsi touché une jolie commission, adresse
un sourire courtois à son client à travers le rétroviseur. Un tuk-tuk vient
s’aligner à côté du taxi, mordant légèrement le passage réservé aux piétons. À ses
commandes, Tak, un inconditionnel de boxe thaïe. Ce soir, dans le combat qui
opposera Saenchai à Sagetdao dans la célèbre enceinte du Lumpini Stadium, il
n’hésitera pas à miser 5000 bahts sur la victoire de son
favori : « Saenchai ! Saenchai !
Saenchai ! ». Positionnés quasiment sur la même ligne, la Mini Cooper, le taxi
rose et le tuk-tuk attendent le feu vert, parés pour une course folle dans les
rues de Bangkok – du moins, se l’imagine-t-on.
Supatra, 27 ans, créature de rêve à mi chemin entre héroïne
de manga et sprinteuse jamaïcaine, s’aventure
sur le passage piéton. Son cul : un appel au carambolage.
Donatien dit : « Je t’aime, toi ! »
Le petit bonhomme vert a la gaule et en oublie de
passer au rouge, ce qui permet à Supatra de prendre tout son temps pour
traverser la chaussée.
Lek, le chauffeur de taxi, expose son point de vue : « Thai lady beautiful! »
John, son client, ne le contredit pas : « Very beautiful! »
À la lecture de l’entrecuisse de Supatra, on devine
deux lèvres outrageusement siliconées – à moins qu’il ne s’agisse d’une paire
de couilles.
Tak, le conducteur de tuk-tuk, dit : « Si
ce soir Seanchai l’emporte, je t’embarque pour la nuit, princesse ! »
Le feu passe au vert. On entend klaxonner. Donatien a
calé : « On se calme, derrière ! » Derrière, dans sa Volvo
diplomatique, c’est Kristina, 52 ans, originaire de Stockholm, épouse de
l’ambassadeur, botoxée, insomniaque et fumeuse de Marlboro Light. Farang lady beautiful?
Kristina s’impatiente : « T’avances, ducon ! »
À Kristina, on ne lui dit jamais : « Je t’aime, toi ! » Ou
bien : « Je t’embarque pour la nuit, princesse ! » À Kristina,
on lui dit : « Ta gueule, vieille peau ! » Quant à son
mari, celui-ci la trompe régulièrement – pour ne pas dire tous les jours – avec
de jeunes et fraiches Thaïlandaises. La nature est ainsi faite. C’est comme ça.
Donatien fait vrombir le moteur de sa Mini Cooper et
disparaît dans un nuage de fumée : « Dans le cul, la
vieille ! »
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