De Florence Compain et Cyril Payen.
Editions Philippe Picquier.
Parution: février 2006
Quatrième de couverture:
Les nuits de Bangkok sont paradoxales. Elles ne sont pas l'envers du jour, mais plutôt des journées en monochrome. Seule la population change, un deuxième monde, celui de l'obscurité, se met en branle lorsque le soleil disparaît vers l'ouest. Avec son agitation, sa fièvre, ses métiers, ses excès, ses folies, ses instants sublimes jaillissant des ténèbres...
Ce livre est une déambulation dans Bangkok la nuit, où l'on prend le temps de l'explorer, recoin par recoin, dans la solitude comme dans la fourmilière humaine. De la sueur et du sang du stade Lumpini où se livrent les combats de boxe thaïe au fleuve Chao Phraya dont s'échappent de gigantesques serpents les nuits de mousson, la ville dévoile ses secrets, ses lieux et ses personnages emblématiques. Loin, très loin des clichés, et avec une richesse de détails et de sensations qui donnent à ces chroniques la densité narrative d'un roman.
Editions Philippe Picquier.
Parution: février 2006
Quatrième de couverture:
Les nuits de Bangkok sont paradoxales. Elles ne sont pas l'envers du jour, mais plutôt des journées en monochrome. Seule la population change, un deuxième monde, celui de l'obscurité, se met en branle lorsque le soleil disparaît vers l'ouest. Avec son agitation, sa fièvre, ses métiers, ses excès, ses folies, ses instants sublimes jaillissant des ténèbres...
Ce livre est une déambulation dans Bangkok la nuit, où l'on prend le temps de l'explorer, recoin par recoin, dans la solitude comme dans la fourmilière humaine. De la sueur et du sang du stade Lumpini où se livrent les combats de boxe thaïe au fleuve Chao Phraya dont s'échappent de gigantesques serpents les nuits de mousson, la ville dévoile ses secrets, ses lieux et ses personnages emblématiques. Loin, très loin des clichés, et avec une richesse de détails et de sensations qui donnent à ces chroniques la densité narrative d'un roman.
Cyril Payen et Florence Compain sont correspondants pour l'Asie du Sud-Est, le premier pour Le Nouvel Observateur et RTL, la seconde pour Le Figaro. Tous deux vivent à Bangkok depuis une dizaine d'années.
Extrait:
On masse ferme dans les toilettes pour hommes. A peine a-t-on pris son tour à l'urinoir et évité un client hoquetant et vacillant que deux mains vigoureuses enserrent votre cou sans crier gare. Un linge chaud, qui a dû servir pour tous les visiteurs, vous est glissé d'office sur la nuque. Cette tiédeur humide donne l'impression d'un gros boa qui commencerait son labeur. Voilà qu'il s'attaque d'ailleurs aux épaules. On peut dire non, toutefois, décliner l'offre des "préposés à la relaxation" et se contenter discrètement du spectacle de ses voisins de vespasienne.
Car le numéro complet vaut le coup d'oeil. L'empoignade des cervicales dure d'abord de longues minutes. La peau du cou pétrie comme une vieille pâte à modeler, le candidat est ensuite martelé de coups nerveux de la base du dos jusque sous les oreilles, qu'on lui tire d'ailleurs vers le bas, ce qui provoque quelques couinements mais pas de contestation.
Puis le masseur se tourne et se place dos à dos avec le client. Il lui bloque fermement les épaules et le fait basculer, le masseur, tête en bas rouge pivoine d'effort, le massé, la colonne vertébrale tendue à l'inverse de sa flexion naturelle. Les cris ont soudain remplacé les chuintements. Parfois les deux hommes s'écroulent, l'un sur l'autre, sous les pissotières puantes. Il faut alors péniblement se mettre sur les genoux puis se relever, car ce n'est pas terminé.
Il s'agit à présent de récurer l'intérieur des oreilles à l'aide de l'ongle du pénultième, gardé très long par la plupart des hommes asiatiques. Enfin vient, si l'on peut dire, le coup de grâce, l'horion des urinoirs de La Crevette. Le masseur arque les jambes, glisse les bras sous les aisselles du fêtard endolori et bloque ses deux mains, paume sur sa nuque. L'homme se livre ensuite à une sorte de massage à ressorts, obligeant le client à courber l'échine bien au-delà des limites naturelles, les bras en l'air et à l'envers, le front tapant presque contre le mur.
L'opération est terminée. Un candidat occupe déjà l'urinoir laissé libre. Le fêtard fait quelques pas, comme pour rassembler esprits et os, puis sort tranquillement de son portefeuille un billet de 50 bahts. Le masseur s'efface en offrant, mains assassines jointes au niveau du visage, un waï respectueux.
On masse ferme dans les toilettes pour hommes. A peine a-t-on pris son tour à l'urinoir et évité un client hoquetant et vacillant que deux mains vigoureuses enserrent votre cou sans crier gare. Un linge chaud, qui a dû servir pour tous les visiteurs, vous est glissé d'office sur la nuque. Cette tiédeur humide donne l'impression d'un gros boa qui commencerait son labeur. Voilà qu'il s'attaque d'ailleurs aux épaules. On peut dire non, toutefois, décliner l'offre des "préposés à la relaxation" et se contenter discrètement du spectacle de ses voisins de vespasienne.
Car le numéro complet vaut le coup d'oeil. L'empoignade des cervicales dure d'abord de longues minutes. La peau du cou pétrie comme une vieille pâte à modeler, le candidat est ensuite martelé de coups nerveux de la base du dos jusque sous les oreilles, qu'on lui tire d'ailleurs vers le bas, ce qui provoque quelques couinements mais pas de contestation.
Puis le masseur se tourne et se place dos à dos avec le client. Il lui bloque fermement les épaules et le fait basculer, le masseur, tête en bas rouge pivoine d'effort, le massé, la colonne vertébrale tendue à l'inverse de sa flexion naturelle. Les cris ont soudain remplacé les chuintements. Parfois les deux hommes s'écroulent, l'un sur l'autre, sous les pissotières puantes. Il faut alors péniblement se mettre sur les genoux puis se relever, car ce n'est pas terminé.
Il s'agit à présent de récurer l'intérieur des oreilles à l'aide de l'ongle du pénultième, gardé très long par la plupart des hommes asiatiques. Enfin vient, si l'on peut dire, le coup de grâce, l'horion des urinoirs de La Crevette. Le masseur arque les jambes, glisse les bras sous les aisselles du fêtard endolori et bloque ses deux mains, paume sur sa nuque. L'homme se livre ensuite à une sorte de massage à ressorts, obligeant le client à courber l'échine bien au-delà des limites naturelles, les bras en l'air et à l'envers, le front tapant presque contre le mur.
L'opération est terminée. Un candidat occupe déjà l'urinoir laissé libre. Le fêtard fait quelques pas, comme pour rassembler esprits et os, puis sort tranquillement de son portefeuille un billet de 50 bahts. Le masseur s'efface en offrant, mains assassines jointes au niveau du visage, un waï respectueux.
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