J’ai fait la connaissance de Panida – Da, pour les intimes
– à l’aéroport international Suvarnabhumi. Elle ne raccompagnait aucun
Jean-Pierre, Wolfgang ou Pierluigi à l’avion. Da venait d’enlacer amoureusement
son père qui partait superviser un nouveau chantier à Doha. Se séparer de son géniteur,
l’être qu’elle chérit le plus au monde, la rendait triste. Alors, comme j’ai pris
l’habitude de le faire avec toutes les Thaïlandaises qui accompagnent leurs
chéris occidentaux à l’aéroport, je me suis approché d’elle et lui ai tendu un
mouchoir pour qu’elle sèche ses larmes.
Le niveau départ de l’aéroport est mon lieu de drague
préféré. Les filles, qui reconduisent à l’avion leur chéri d’un jour, d’une
semaine ou d’un mois, sont toutes plus émouvantes les unes que les autres. Elles
ont fait la connaissance de leurs futurs époux dans les bars, les discothèques
ou les salons de massage où elles officient, à Pattaya, cité balnéaire connue
pour être la plus grande agence matrimoniale du monde. Elles pleurent toujours
à chaudes larmes. Devoir quitter le farang
providentiel qui les a amenées en avion à Phuket, les a faites dormir dans de
grands hôtels (avec piscine en forme de haricot) et leur a offert le dernier
scooter à la mode, les rend malades de chagrin. C’est là, alors, que
j’interviens, un mouchoir en papier à la main, mon sourire ultra-bright à la bouche
et, généralement, un début d’érection dans le slip : « La vie est faite
de moments tristes, petite soeur, mais aussi de moments de joie. Je suis là
pour te redonner le sourire. Une petite part de bonheur, ça te dit ? Mon cheval
est garé au parking. En selle, poupée ! » Une fois sur deux, les filles
finissent dans mon lit. Elles en oublient rapidement leurs chéris, me disent
que je suis Superman, aimeraient jouer les prolongations, me quittent avec un
pincement au cœur. Avant de dire au revoir à ces demoiselles, je leur offre mon
petit cadeau habituel : une mignonnette de crème de cassis – qu’elles boiront
pur, comme toujours, à la façon d’un vulgaire sirop pour la toux. Avec Da, par
contre, ce fut une autre histoire. Mademoiselle n’a jamais officié dans un bar.
Titulaire d’un master scientifique, elle est biologiste à l’hôpital Chulalongkorn.
Son travail consiste à prélever des cellules souches sur des fœtus après une interruption
volontaire de grossesse et d’en faire la culture en laboratoire. Il a donc
fallu la jouer gentleman, être très patient et, bien sûr, prendre des gants
pour que la jolie biologiste finisse dans mon lit, le tout dans un anglais impeccable
– Da, qui a étudié deux ans à Londres, maîtrise la langue de Shakespeare à la
perfection. Et vas-y que je te May I have,
te could, te should, te would ! Moi qui commençais seulement à maîtriser l’anglais petit-nègre
des filles de Pattaya, il a fallu que
je me remette à utiliser le prétérit et le conditionnel : « Would you like to drink some cocktail before
nightfall? » Ce « before
nightfall », qui signifie « avant la tombée de la nuit »,
fut d’ailleurs beaucoup plus décisif que l’utilisation du conditionnel – en
Thaïlande, un gentleman qui se respecte se doit d’inviter la demoiselle de
bonne famille qu’il convoite à boire un verre avant la nuit tombée. Ensuite,
surtout s’il est français, à lui de ne pas se mélanger les pinceaux avec
l’emploi du prétérit : « Right,
Miss Panida, which college did you
go to? »
La suite dans Magie thaïe
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire