Une troupe de likay, une forme traditionnelle de théâtre chanté, joue L'Ile des esclaves de Marivaux. Une gageure qui a demandé quelques adaptations du texte. | |
Une pièce française du XVIIIe siècle jouée par une troupe de likay? Impossible? Bien au contraire, rétorque Kriengsak Silakong, le célèbre directeur du Festival du film de Bangkok, et qui a derrière lui une longue carrière d'auteur, de metteur en scène et d'acteur de théâtre. L'idée de monter L'Ile des esclaves de Marivaux trottait dans la tête de ce francophone averti formé aux cours Florent depuis maintenant plusieurs années. "Au départ, je comptais monter cette pièce avec des acteurs de théâtre classiques. Et puis, à la réflexion, je me suis dit que ce texte était parfaitement adapté au style du likay, explique Kriengsak. Je suis allé faire des repérages dans les fêtes organisées par les temples en assistant à des représentations de likay et j'ai proposé ce projet à un certain nombre de troupes de danse. Finalement, c'est la troupe Niran Anchalee qui a accepté de se lancer dans l'aventure. J'étais très impressionné par leur technique chorégraphique et vocale, ainsi que par leur manière de jouer." Le likay est une forme de théâtre chanté traditionnel thaïlandais assimilable à de l'opéra. Il a perdu peu à peu de sa popularité. Kriengsak a assisté à de nombreuses représentations occidentales de L'Ile des esclaves ces dernières années. "Maintenant, j'avais envie de voir à quoi pouvait ressembler son équivalent thaïlandais. Malgré ses nombreuses qualités, le likay est un peu passé de mode, surtout à Bangkok. On a tendance à penser que c'est un théâtre essentiellement rural. C'est un genre folklorique presque oublié. Mais, selon moi, de nombreuses pièces classiques pourraient être montées en likay, car elles transcendent le temps et l'espace. C'est particulièrement vrai pour une comédie sociale comme L'Ile des esclaves, dont les personnages principaux sont des maîtres et des esclaves. Le public thaïlandais va tout de suite accrocher à l'histoire. Le style inimitable du likay est tout à fait adapté, même si dans cette forme théâtrale, la performance scénique prime sur l'histoire." La trame, les personnages et les thèmes resteront les mêmes, ainsi que le déroulement de l'intrigue, mais Kriengsak a permis aux danseurs de la troupe d'adapter les dialogues pour mieux coller à la tradition du likay. "Plus nous avancions dans les répétitions, plus je m'apercevais que le likay devait prendre une place plus importante. Sinon le télescopage des deux cultures aurait nui au jeu des acteurs," explique le metteur en scène. Un résumé des événements avant chaque scène est fourni aux spectateurs, mais ce n'est pas une traduction littérale puisque le likay est constitué à 80 % d'improvisation. "Quand ils ont lu pour la première fois le texte en thaïlandais, les acteurs étaient un peu déroutés. Je leur ai donné la liberté de l'adapter. Certains dialogues sont devenus des épisodes narratifs, une technique très utilisée dans le likay, poursuit Kriengsak. Par exemple, certaines scènes comiques de la pièce ont du être adaptées. Les acteurs ne peuvent pas faire rire les spectateurs comme le souhaitait Marivaux et ils ont créé de nouveaux moments comiques à la façon likay." | |
Pawit Mahasarinand The Nation | |
(texte traduit dans Courrier International) |
vendredi 11 mai 2007
Marivaux en opéra thaï
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
Leurs voix sont un peu stridentes tout de même... Enfin...
Enregistrer un commentaire