Farang, ou les perplexités d'un étranger, par Guido Franco.
Tout Occidental qui arrive en Thaïlande y est et y restera farang. Ce nom lui collera à la peau, ce sera le premier qu'il réussira à reconnaître et qui lui indiquera que l'on parle de lui dans les conversations. Farang est la déformation de faranset (autrement dit: français), survivance de nos ambassades et de nos visées au royaume du Siam. Mais ce nom désigne aujourd'hui plus généralement tout Occidental au long nez, à la peau pâle, et qui se promène dans une chambre avec ses souliers. Quoi qu'il fasse, même s'il apprend le thaï et vit depuis vingt ans dans le pays, le farang restera farang. Il doit s'habituer à cette singularité. Les Japonais ne sont pas farang, ils sont Yipoun. Les Arabes et les Indiens Kêk, les Noirs Nikro...
Le mot farang n'implique aucune exclusion, aucun racisme. Tout simplement une fatalité. Il faut s'y résigner, accepter son sort avec calme, comme on accepte d'avoir le teint pâle et un long nez. Réaliser aussi que les Thaïs ne sont heureux qu'entre eux, et qu'ils nous considèrent, malgré tous les bienfaits que nous avons apportés dans le pays (fast-food,rock n'roll, tourisme, sida, etc.) comme des dinosaures. Nous ne savons pas paï tiâo (sortir pour s'amuser), nous déplaçons trop de vent, faisons trop de bruit. Nous ne savons pas ce qui est sanouk (amusant) et nous contentons de filles de troisième catégorie. Nous ne nous inclinons pas devant les statues de Bouddha et les autels de l'"Erawan", nous ne respectons pas les phi-is (esprits malins et les autres) et montrons les choses du doigt comme si elles n'avaient pas d'âme. Nous sommes à tous points de vue des sauvages, et si les Thaïs nous appellent malgré tout kohn (êtres humains) et non tou-a (animaux), c'est qu'ils sont d'une extrême politesse. Mais qu'on ne s'y trompe pas, quand nous passons dans les rues des villages, les mères rassurent les enfants effrayés: "falang maï cat" (il ne mord pas).
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