mercredi 14 février 2007

Paradis Blues

Paradis Blues, de John Saul. (Éditions Rivages Poche ou Folio n°2152)


Quatrième de couverture (Édition Rivages Poche) : On n'entre pas au paradis avec ses bottes. Ignorant ce précepte, John Field - journaliste occasionnel, homme d'affaires à ses heures et buveur invétéré découvre un peu tard que le climat de Bangkok risque de lui être fatal. Ici, sous couvert d'import-export, tout s'achète et se vend : les femmes, le pouvoir, la drogue, les armes, et même la mort. Pourvu qu'on soit prêt à y mettre le prix. Guidé par une sorte de Virgile, que l'alcool et les abus sexuels auraient transformé en épave, Field s'aventure dans des cercles de plus en plus dangereux.

Morceaux choisis:


Field parcourut les quelques mètres qui le séparaient de la route principale où il héla un tuc-tuc passant dans l'allée centrale. L'engin vira brusquement sur deux de ses trois roues et fonça en diagonale au mileu de la circulation.
"Patpong", annonça Field.
Le conducteur jeta un coup d'oeil de dessous la capote pour jauger ses chances.
"Cinquante baht, m'sieu."
Field eut un rire bon enfant et répondit en thaï :
"Je ne suis pas un farang. J'habite ici. Vingt baht.
- Quarante baht.
- Non. Vingt, c'est déjà deux fois le tarif. Allons-y ajouta-t-il d'un ton encourageant, et il sourit. O.K. Allons-y. O.K.
- O.K., m'sieu."
Field monta à l'arrière juste au moment où Mme Laker lui criait de loin: "Je vais m'occuper de votre départ pour Vientiane lundi. Envoyez-moi votre passeport."
Il ne répondit pas. Tassé sur la banquette en plastique rayée de bandes orange, bleues, jaunes et vertes, il écarta les mains pour empoigner de part et d'autre les barres métalliques, sa seule chance de ne pas être projeté dehors, et il rejeta la tête en arrière pour éviter l'ombre de la capote en plastique tendue au-dessus de lui. Le tuc-tuc bondit en avant pour se faufiler parmi les autres véhicules; le rugissement de son petit moteur assourdissait Field et ses gaz d'échappement se rabattaient en arc de cercle sur le siège du passager. Il laissa ces vapeurs d'essence et celles des centaines d'autres véhicules agglutinés et klaxonnant autour de lui remplir ses poumons et envelopper d'abord son corps, puis son esprit. Quelque part devant lui, le transistor accroché au tableau de bord émettait les sons nasillards d'une musique rock thaï. Field ferma les yeux, la douleur de son bas-ventre soudain lointaine; Mme Laker se dissolvait dans l'oxyde de carbone. Cette immense toile d'araignée de crasse et de bruit lui procurait comme toujours une merveilleuse sensation de plaisir, dénuée de sens.

Elle détourna soudain les yeux pour contempler la circulation dans laquelle la voiture se frayait un passage à dix kilomètres à l'heure, une moyenne normale pour Bangkok. Haussant les épaules, Field l'imita, se tournant vers sa propre fenêtre. Si les banques n'étaient pas attaquées à Bangkok, selon l'explication populaire, c'était parce que les voleurs ne pouvaient s'enfuir en voiture. On allait plus vite en courant qu'en roulant, sauf qu'il faisait trop chaud pour courir.

Commentaire: roman très agréable à lire, histoire haletante, personnages attachants. Mais surtout multitude de petits détails absolument croustillants pour qui connaît Bangkok. Bref: un régal.

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