Barbie était propriétaire du salon de coiffure où nous allions fêter mon anniversaire. A l’exception de sa bouche, qu’elle avait pulpeuse, Barbie s’apparentait plus à un homme qu’à une femme, mais Tchan me l’avait présentée comme une femme, alors allons-y pour madame.
– Quinze ans, mon mignon, c’est bien ça ?
– Non, madame, quatorze.
– Appelle-moi Barbie, tu veux !
– Très bien mad…
– Quatorze ans, tu dis ? Tu as le même âge que ma nièce Loa. Regarde, c’est elle!
Loa, installée sur l’un des trois sièges de chauffeur de bus que comptait le salon de coiffure, le nez scotché à la paroi du miroir, s’efforçait de masquer la noirceur de sa peau à l’aide d’un fard à joue particulièrement volatile (le ventilo était sur la vitesse quatre).
– Ohé ! Loa ! lança Barbie.
– Tu vois bien que je suis occupée ! lui renvoya sa nièce.
– Tu pourrais quand même saluer notre invité ! Il fête ses quatorze ans aujourd’hui. Regarde comme il est mignon !
– Hello ! émit alors Loa sans même prêter attention à moi.
– Je m’appelle Sem, lui dis-je.
La jeune fille daigna enfin me regarder. Elle n’était pas spécialement belle, disons plutôt qu’elle était jolie. Elle me fixa de longues secondes sans prononcer le moindre mot. Etait-elle impressionnée par la finesse des traits de mon visage ?
– Tu es de Bangkok ? me demanda-t-elle après m’avoir déshabillé de la tête aux pieds.
– Non.
– Tu es d’Issan, alors ?
– Tu es de Bangkok ? me demanda-t-elle après m’avoir déshabillé de la tête aux pieds.
– Non.
– Tu es d’Issan, alors ?
– Non plus. Je suis de Chiang Mai.
– Ah bon, tu es du nord ! Alors pourquoi ta peau est si noire ?
Loa allait-elle m’inviter à blanchir ma peau ? Etait-elle fan de Michael Jackson ? Allais-je à mon tour ressembler à un mort vivant ?
– Dis-moi, Tata, où as-tu mis mon rouge à lèvres ?
Barbie, négligeant la question de sa nièce, s’était approchée du miroir. Elle avait repéré la présence d’un magnifique point noir sur l’aile droite de son nez. Je m’étais alors retourné vers Tchan : « Elle est bizarre, ta copine. » Mais déjà Barbie avait rappliqué, un gros ver noirâtre collé à son pouce, trophée qui la faisait saliver plus qu’il n’est permis. A cet instant précis, j’ai pensé : Barbie et moi sur une île déserte, la guerre a déjà tout détruit, nous sommes les uniques survivants. Que faire? Repeupler la Terre au plus vite ou m’adonner au cannibalisme ?
Chattaya
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