France 5 - 20h43
Thaïlande, eldorado ou mirage ?
Durée : 54 minutes
Sous-titrage malentendant (Antiope).
Stéréo
En 16:9
rediffusion: le dimanche 3 mars 2013 à 15h45 - France 5
Le sujet :
Si l'avenir s'assombrit en Europe, il n'en va pas de même en Asie : portrait de quelques expatriés, qui ont trouvé le bonheur en même temps que la prospérité économique.
Pour nombre
d'Européens, l'horizon s'assombrit. Au même moment, en Asie, l'avenir,
l'aventure et la croissance financière semblent au rendez-vous pour les
audacieux. Aujourd'hui, plus de 15 000 Français sont officiellement
installés en Thaïlande. En fait, ils seraient plus du double, un chiffre
en augmentation constante. Certains sont arrivés il y a dix ou quinze
ans. Ils ont ouvert des bars, des restaurants ou des agences
immobilières. Et souvent il y ont trouvé le bonheur, ont intégré les
coutumes et appris la langue locale. Ils travaillent dur dans un pays
qui ne connaît pas le chômage. Portraits croisés de quelques expatriés
heureux sur fond d'essor économique.
Je ne me voyais pas rentrer à Paris. Le froid, la grisaille, l’absence de sourire sur les visages, l’insécurité, le stress, la vie chère, la difficulté pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmo, le cardiologue et le dentiste, la sécheresse des cœurs, le poisson surgelé… non merci ! Envisager un retour en France, pays qui m’avait pourtant offert une vie décente, me donnait la nausée. Une femme occidentale de 61 ans venant de se faire plaquer par son mari n’aurait-elle pas sa place en Thaïlande ? Les sourires de ce merveilleux pays ne seraient-ils réservés qu’aux hommes ? Une sexagénaire célibataire ne peut-elle pas, elle aussi, y exercer son droit à l’amour ? Qu’allais-je devenir ? Je passais de longues heures à pleurer. Bizarrement, ce n’était pas André que je pleurais, mais ce petit coin de paradis auquel je commençais à m’attacher et que j’avais très peur de perdre. J’y avais pris mes habitudes. Les petites commerçantes du marché où j’allais régulièrement acheter du poisson, des crabes, des coquillages et des légumes frais me connaissaient toutes. J’essayais de leur parler thaï. Mon accent les faisait beaucoup rire. Nui, la rebouteuse qui me remettait régulièrement les cervicales en place, profitait toujours de la séance pour m’apprendre de nouveaux mots thaïs. Elle était devenue mon professeur attitré. Je ressortais toujours de chez elle enrichie d’expressions nouvelles : jamouk yaao[1], piou khaao[2], jep may[3] ? Il y avait aussi Ploy, ma manucure-pédicure qui chérissait mes pieds comme la prunelle de ses yeux. Leur extrême blancheur la rendait envieuse. Elle rêvait d’avoir des pieds blancs, thaao khaao. J’appréciais également Lady Baba, une ex-reine de nuit reconvertie en coiffeuse, transsexuel de son état – à très forte poitrine –, laquelle se débrouillait en français, non sans une pointe d’accent africain, suite à une longue histoire d’amour avec un dénommé Mamadou. Lady Baba était une virtuose du shampooing. Ses massages de tête me procuraient un bien fou. Et puis, entre femmes, on aimait parler de sexe. Qui masse encore le cuir chevelu avec une telle dextérité dans les salons de coiffure de France tout en plaisantant sur la grosseur du sexe des hommes noirs ? Je ne voulais pas quitter tout ce petit monde. Chacun, selon sa spécificité, son tempérament, sa grandeur d’âme, m’apportait du bien-être, participait à mon équilibre, transformait mes vieux jours en beaux jours.
(Extrait de la nouvelle La retraite en Thaïlande du recueil Thaïlande guili-guili - Editions Gope)Je ne me voyais pas rentrer à Paris. Le froid, la grisaille, l’absence de sourire sur les visages, l’insécurité, le stress, la vie chère, la difficulté pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmo, le cardiologue et le dentiste, la sécheresse des cœurs, le poisson surgelé… non merci ! Envisager un retour en France, pays qui m’avait pourtant offert une vie décente, me donnait la nausée. Une femme occidentale de 61 ans venant de se faire plaquer par son mari n’aurait-elle pas sa place en Thaïlande ? Les sourires de ce merveilleux pays ne seraient-ils réservés qu’aux hommes ? Une sexagénaire célibataire ne peut-elle pas, elle aussi, y exercer son droit à l’amour ? Qu’allais-je devenir ? Je passais de longues heures à pleurer. Bizarrement, ce n’était pas André que je pleurais, mais ce petit coin de paradis auquel je commençais à m’attacher et que j’avais très peur de perdre. J’y avais pris mes habitudes. Les petites commerçantes du marché où j’allais régulièrement acheter du poisson, des crabes, des coquillages et des légumes frais me connaissaient toutes. J’essayais de leur parler thaï. Mon accent les faisait beaucoup rire. Nui, la rebouteuse qui me remettait régulièrement les cervicales en place, profitait toujours de la séance pour m’apprendre de nouveaux mots thaïs. Elle était devenue mon professeur attitré. Je ressortais toujours de chez elle enrichie d’expressions nouvelles : jamouk yaao[1], piou khaao[2], jep may[3] ? Il y avait aussi Ploy, ma manucure-pédicure qui chérissait mes pieds comme la prunelle de ses yeux. Leur extrême blancheur la rendait envieuse. Elle rêvait d’avoir des pieds blancs, thaao khaao. J’appréciais également Lady Baba, une ex-reine de nuit reconvertie en coiffeuse, transsexuel de son état – à très forte poitrine –, laquelle se débrouillait en français, non sans une pointe d’accent africain, suite à une longue histoire d’amour avec un dénommé Mamadou. Lady Baba était une virtuose du shampooing. Ses massages de tête me procuraient un bien fou. Et puis, entre femmes, on aimait parler de sexe. Qui masse encore le cuir chevelu avec une telle dextérité dans les salons de coiffure de France tout en plaisantant sur la grosseur du sexe des hommes noirs ? Je ne voulais pas quitter tout ce petit monde. Chacun, selon sa spécificité, son tempérament, sa grandeur d’âme, m’apportait du bien-être, participait à mon équilibre, transformait mes vieux jours en beaux jours.
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