Fauve qui peut
Après tout le monde, je viens de
recevoir Suzy Wong et les esprits. Je dis après tout le monde car,
aussi étrange que cela puisse être, l’enveloppe contenant le roman graphique de
Virginie Broquet a dû auparavant faire deux fois le tour du monde avant
d’atterrir dans ma boite aux lettres – nous ne contrôlons pas toujours le cours
des choses. Collectionneur de timbres, comme tout un chacun, je le fus. En
voyant tous ces timbres plus exotiques les uns que les autres tapisser
l’enveloppe, j’ai envisagé un instant de commencer une nouvelle collection.
Putain ce qu’ils sont beaux les timbres du Mozambique ! Et ceux du
Groenland, je ne vous dis pas ! Entre nous, elle est allée faire quoi,
Suzy, au Groenland ?
a) se farcir un phoque
b) s’adonner au morse
c) dissoudre un iceberg
Bref, après tout le monde, donc, j’ai pu
mater le joli derrière de Suzy. Adolescent, j’avais Lui et Playboy planqués
sous le matelas. Désormais, sous mon matelas, j’ai Suzy Wong et les
esprits. Assurément je ne perds pas au change. Trop bonne, Suzy ! Son
cul, ses seins, sa bouche ! Sopalin, s’il vous plaît !
Bizarrement, en feuilletant les pages de
cet album, tableaux après tableaux (car, ici, il s’agit bel et bien de
tableaux), des rouges, des verts, des jaunes et des bleus plein les yeux, je me
suis retrouvé baignant dans un océan coloré fait de glaces à l’eau. Un monde de
Popsicle et de Mister Freeze rien que pour moi ! Pour tout vous
dire, j’ai bien failli y mettre la langue dans l’espoir de faire fondre cette
orgie de couleurs dans ma bouche. Alors, j’aurais fait pipi un arc-en-ciel. Mais
on ne met pas à la bouche des glaces chaudes comme la braise au risque de se
brûler la langue. On se contente de regarder, de contempler, mais aussi
d’écouter. Suzy a tellement de choses à nous dire. Elle a ses petits secrets,
voyez-vous ! Ses petits secrets de gonzesse ! Alors, à la page 31,
j’ai tendu l’oreille. De sa voix chaude et envoûtante, Suzy m’a dit… non, je le
garde pour moi. Mais je suis certain qu’elle vous livrera aussi ses secrets si
vous savez tendre l’oreille. Contempler les dessins, c’est bien. Les écouter,
c’est mieux. Et Suzy la divine vous dira tout. Et c’est là toute la subtilité
de Virginie Broquet: laisser à chaque lecteur la possibilité de converser avec
sa Suzy, laquelle, au fil des pages, devient notre Suzy… notre Suzy chérie.
Sopalin, j’ai dit !
Virginie Broquet est un fauve. Je n’ai pas
dit tigresse du Mozambique ou panthère du Groenland. J’ai dit fauve. Non mais
regardez comment cette artiste utilise la couleur ! Chez Virginie, il y a
du Matisse, du Derain, du Duffy, du de Vlaminck. C’est strident, virulent,
animé, torrentueux, pi(g)menté. Donc, immensément fauve. Il y a aussi un zest
de Pablo, un doigt de Cocteau, une larme de Chagall. Il y a même une once de
Mondrian, celui du tout début, version Arbre rouge. Mais Virginie,
c’est Virginie, et son style, au-delà de toutes ces influences, n’appartient
qu’à elle. De par la couleur, c’est orgiaque. Oui, c’est ça, orgiaque.
Somptueusement orgiaque. Broquet, du grand braquet qui fout le feu à ma
braguette… la braguette derrière laquelle se planque mon cerveau, celui qui
mène tous mes sens à la baguette.
Bon, à défaut de Sopalin, je m’en vais
faire un gros câlin à Suzy. Un gros câlin dans les bras du grand fauve…
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